Visite du manoir de Kinkiz © © Matthieu Lacour-Veyranne
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Le Tour des cidreries à vélo

Le Tour de France à vélo des producteurs de cidre

Depuis début Mars, Matthieu s'est lancé une aventure personnelle et professionnelle : le tour de France des producteurs de cidre. Avec l'objectif de s'installer dans le Perche, cet ingénieur agronome de formation a décidé de partir sur les routes de France à la découverte de ce produit et de ceux qui le fabriquent. 

Matthieu est actuellement sur la route en Bretagne, vous pouvez suivre ses aventures sur son Facebook et son Instagram

Comment t'es venu l'idée d'entreprendre ce tour de France des producteurs de cidres ?

Cela fait un petit moment que l’envie de créer une ferme en pré-verger avec une production de cidre me trotte dans la tête.

Travaillant derrière un ordinateur à Paris, il fallait que j’aille voir comment cela se passe pour de vrai, sur le terrain, avant de faire par moi-même.

J’avais dans un premier temps prévu de faire du woofing (travailler dans des fermes contre le gîte et le couvert), ce qui fait aussi de belles expériences. Et puis, en discutant avec Claire Perrinel, qui a d’ailleurs fait l’objet d’un de vos portrait, je me suis dit, pourquoi ne pas faire pareil ? J’adore le vélo, j’ai déjà roulé sur de grande distances et c’est l’occasion rêvée de voir un grand nombre de personnes. Un mois après, j’étais sur le départ.

 

Ton trajet dépend des cidreries que tu souhaites visiter, comment composes-tu ton itinéraire entre ces lieux de production ?

J’ai démarché pas mal de professionnels pour avoir une liste de personnes à rencontrer.

Ce n’est pas toujours évident, le cidre est une production à la fois présente un peu partout en France et à la fois difficile à trouver quand on ne connait pas le milieu. Il existe plusieurs bassins de production.

La Bretagne et la Normandie sont les plus connus, mais on en trouve aussi beaucoup au Pays Basque, dans le Pays de Bray (Nord-Ouest), le pays d’Othe (sud de Troyes), et le Perche. J’ai établi mon parcours en partant de Pau, le point le plus éloigné de ma destination, puis en me rapprochant de mon objectif, le Perche, là où je souhaiterais installer ma ferme plus tard. J’essaie de tourner autour des 60 à 70 Km par jour pour me permettre d’avoir le temps et l’énergie de faire les visites de ferme dans la foulée. Je vais ainsi d’une ferme à l’autre, en empruntant les voies cyclables comme La Vélodyssée quand j’ai le temps, les départementales quand je dois aller un peu plus vite. 

Quel accueil te réservent les producteurs que tu rencontres ?

L'accueil est excellent pour le moment. Je retrouve à chaque fois un sens de l’hospitalité naturel qui m’impressionne, c’est vraiment très agréable. Ce qui les rassemble est une vraie passion de leur travail. Elle s’exprime différemment chez chacun, selon les motivations qui les ont amenés vers ce projet : tradition familiale, intérêt pour la conception du produit, l’envie de travailler avec et pour les habitants locaux... Il y a aussi une certaine fierté mêlée d’humilité lors de la présentation de leurs produits, c’est plein d’enseignements pour moi.

Pour la plupart des gens, le cidre est fabriqué en Bretagne ou Normandie et son goût est souvent uniformisé. Peut-on dire que le cidre souffre d'une méconnaissance de la part du grand public ? 

La première différence que l’on peut avoir dans les cidres, et qui fait tout l’intérêt de ce produit, est la notion de terroir. Comme pour le vin où cela est très bien décrit, l’influence du sol, du climat, etc... joue sur les variétés de pommes et sur les qualités organoleptiques (le goût, l’odeur...) du cidre fini. On a donc de nombreux terroirs, au sein même de la Normandie ou de la Bretagne. Cette influence du terroir se retrouve partout en France, ce qui donne des cidre potentiellement très différents. Ensuite, on observe des savoirs-faire différents selon les traditions locales, qui débutent par la sélection de variétés locales particulières, et se poursuivent dans le choix de la méthode de fermentation, du vieillissement (en barrique de chêne par exemple), et même la façon de servir ! Au Pays Basque par exemple, on verse le cidre depuis la bouteille à 30/40 cm de haut et dans un verre large pour activer le gaz du cidre. Servi comme du vin, il resterait sans bulle !

Toutes les différences font l’intérêt du produit. L’industrialisation des procédés a entraîné une uniformisation des cidres que le consommateur pouvait trouver sur le marché. Par conséquent, c’est un produit qui a été délaissé. C’est paradoxalement quelques chose qui me stimule énormément : il y a tout à faire et à (re)découvrir, on commence seulement à apprécier le potentiel de ce produit dont on avait perdu dans certains endroits de France les savoirs-faire de base. On va goûter de grands cidres dans des verres de dégustation.

On va pouvoir dépoussiérer l’étiquette et proposer aux gens des produits intéressants et de qualité.

Pourquoi avoir choisi le vélo pour te déplacer dans cette aventure ?

C’est un mode de transport que j’affectionne particulièrement. J’en fait très régulièrement, que ce soit pour mes déplacements quotidiens ou pour une pratique sportive. Ma motivation la plus forte a été celle du rythme, de la vitesse de déplacement. Le vélo correspond à l’adéquation parfaite entre un paysage qui change régulièrement et le temps qu’il me faut pour m'imprégner de mon environnement. On parlait tout à l’heure de la notion de terroir, le vélo est pour moi le meilleur moyen de s’en rendre compte, de comprendre ce qui se passe. On voit les plantes, la terre, on sent les parfums, on subit parfois le climat... tout comme les cultures qui sont implantées dans les paysages que l’on traverse !

Tu passes pas mal par le réseau Warmshowers pour te loger, peux-tu nous en dire plus sur ce moyen d'hébergement ?

J’ai vu le développement de ce réseau, notamment ces deux dernières années, c’est vraiment super ! L’idée est simple, des hôtes proposent gratuitement de quoi dormir et de quoi prendre une douche aux cyclistes. Pour dormir, cela va du carré d’herbe pour planter sa tente à la chambre, selon les possibilités des hôtes. Je n’ai fait que des rencontres formidables. Les personnes qui accueillent sont très ouvertes et ont toujours des anecdotes passionnantes sur des voyages qu’ils ont faits ou plus simplement sur les sites locaux à découvrir.

Après une journée passée principalement seul sur le vélo, cela fait du bien !

Et puis c’est le moyen de dormir en toute tranquillité, ce qui est très appréciable. Il faut toutefois bien gérer son trajet, il y a quelques zones un peu désertes... et en été, il y a parfois tellement d’affluence que certains préfèrent fermer leurs portes !

Comment se passe ta découverte de la France à vélo ? Des coups de cœur à partager ? 

La France est un pays magnifique. J’ai pu traverser des paysages très différents en peu de temps, de la montagne aux vastes plaines, des canaux à l’océan... Le Pays Basque est vraiment très beau, mais il faut le mériter, c’était vraiment très dur à vélo ! La Vendée aussi m’a bien plu, je ne connaissais pas du tout et c’était très agréable ! Il me reste encore beaucoup de choses à voir, dont la Bretagne et la Normandie !

Tu as fait des études en agronomie, ton projet est de t'installer en tant que producteur de cidre, pour quelles raisons ?

C’est vraiment l’angle agronomique qui m’a amené dans les réflexions que j’ai aujourd’hui. En étudiant différents systèmes de production et en voyant des gens faire une agriculture d’avenir, je me suis passionné pour les symbioses, les synergies qui peuvent se mettre en place dans les systèmes agricoles. Les prés-vergers m’ont particulièrement intéressés : l’association entre les pommiers et les moutons est une vraie mine d’or. Les pommiers apportent un couvert pour les animaux tandis que ces derniers mangent les pommes malades tombées prématurément, cassant les cycles de maladies, et font fuir les mulots qui peuvent nuire aux arbres. Et l’aspect transformation aussi est vraiment sympa, la fabrication du cidre, la recherche de qualité gustatives, la commercialisation etc, donnent des dimensions supplémentaires qui me plaisent bien. 

Et l'installation c'est pour quand ? :)

Je dois reprendre une formation à l’automne, d’un an. J’espère en profiter pour trouver une ferme en parallèle. Il faudra voir combien de temps tout cela prend, mais j’espère être dans un an et demi les pieds dans les bottes ! :-)

 

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